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Le Chantier du pont

« La Motasse contre le Mythe : La Kumparin répond à l’Absurde »


Ils appelaient ça une dépression. Moi, j’appelais ça un chantier. Ma colonne vertébrale fut le premier chantier — ces vertèbres soudées comme une épave ressoudée. Ils m’ont dit que ça tiendrait. Ils ne m’ont pas dit que j’habiterais un corps-échafaudage.

L’oxycodone traça des autoroutes dans mes veines. Chaque comprimé promettait la fin de la douleur. Puis les promesses devinrent des murs. J’étais le gardien d’une prison dont j’étais le seul détenu.

Mon absurde avait une odeur — la sueur froide à 3 h du matin. Un goût — le métal des comprimés. Un paysage — les draps trempés, cartographie d’une guerre intérieure.

Je me suis souvenu de Joseph le charpentier : « Le bois a un fil. Si tu l’épouses, même le bois tordu devient poutre maîtresse. » Ma douleur était mon bois tordu.

Je me suis souvenu de Pierrette : « La pâte se caresse. Si tu la malaxes avec rage, elle durcit. » Mon âme était cette pâte, usée par une vie ouvrière commencée à treize ans.

Alors j’ai arrêté de pousser mon rocher. J’ai commencé à en construire une maison. Le marteau pour nommer la douleur. Le niveau à bulle pour ceux qui disent « tu penches ». Le ciseau pour enlever les éclats, petit à petit. La colle des gestes transmis.

Je ne suis pas Sisyphe heureux. Je suis l’ouvrier qui a regardé son rocher et a compris qu’on pouvait en faire un abri. Le chantier n’est jamais fini, mais on apprend à vivre avec, outils en main.

« Les mots, c’est bien, les sens, c’est mieux », répétait-elle quand je voulais tout comprendre trop vite.


Sang-d’Encre 


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